Apprentissages scolaires et Trouble du spectre de l’autisme (TSA): pistes d’intervention issues de la recherche

© Louise Rodrigue, psychologue/neuropsychologue scolaire

Les élèves présentant un Trouble du spectre de l’autisme (TSA) font partie d’une population très hétérogène, tant en ce qui a trait à la présentation clinique du trouble, qu’à leurs caractéristiques au niveau cognitif. Pour cette raison, il est impossible de dégager des prescriptions de règles à suivre ou d’interventions à privilégier. Toutefois, certaines pistes émergent des recherches actuelles, notamment en lien avec le fonctionnement exécutif, et méritent d’être envisagées. Il s’agira de déterminer si celles-ci peuvent répondre aux besoins spécifiques de l’élève et de s’adapter à son profil individuel.

Prendre en compte l’importance de la catégorisation

Pour les élèves TSA, comme chez tout autre élève, la catégorisation peut être aidante lorsqu’il s’agit d’appendre et d’encoder des informations. Par contre, leurs manières de catégoriser est souvent différentes de celle des neurotypiques. Ils ont tendance à se baser sur moins de critères ou encore, sur des critères différents, souvent plus perceptifs. Il semble donc important qu’ils aient accès au matériel à apprendre le plus possible afin qu’ils en dégagent les régularités selon une logique qui leur est propre. Ainsi, l’élève pourra faire ses propres liens, ce qui sera davantage signifiant pour lui.

Les chercheurs proposent de favoriser l’accès à l’ensemble des informations plutôt qu’à une seule partie. Par exemple, dans le but d’apprendre les tables de multiplication, il vaut mieux présenter

que de présenter

et ce, afin que l’élève puisse extraire les régularités plus facilement.

Laisser plus de temps

Les élèves TSA ont souvent besoin de plus de temps pour apprendre, les apprentissages se font plus lentement. Il peut être bénéfique de les exposer à plus d’exemplaires d’une catégorie avant d’atteindre la même performance que leurs pairs sans TSA.

De plus, attention! L’élève peut parfois sembler ne rien faire, il n’est pas toujours visible pour l’observateur externe d’être en mesure de déterminer si l’élève est en cours d’apprentissage… ce qui ne veut pas forcément dire qu’il n’est pas en train d’apprendre. La patience est de mise.

L’importance de la rétroaction

Si le fait de donner des encouragements et du support lorsque l’on accompagne un jeune dans un nouvel apprentissage est bénéfique, la plus-value semble moins évidente en court d’apprentissage. En effet, ceci peut briser le rythme d’apprentissage pour certains élèves, car ceux-ci sont potentiellement en train d’élaborer leurs propres liens. Ainsi, lorsque la rétroaction est nécessaire en cours de tâche, il serait préférable de s’en tenir au minimum nécessaire, particulièrement lorsqu’il s’agit de faire des liens entres des concepts.

Favoriser l’apprentissage implicite en mettant en place un cadre clair et bien défini

Courchesne, Nader et Mottron (2020) mentionnent un élément très pertinent à prendre en considération dans la pratique scolaire:

L’intervention dominante auprès des personnes autistes d’âge préscolaire est inspirée des théories béhavioristes de l’apprentissage (Intervention comportementale intensive ou ICI, dérivé du terme Applied Behavior Analysis). Ces approches visent notamment à renforcer les comportements désirés (par exemple, contact visuel) et/ou la diminution des comportements jugés comme interférants avec le développement de l’enfant (par exemple, intérêts restreints). Leurs principes consistent à décomposer et fragmenter la tâche, à utiliser les renforcements positifs pour favoriser l’adoption de comportements jugés «adaptés» et à répéter les apprentissages. Leur diffusion planétaire contraste avec la limitation méthodologique des études de validation de ces méthodes (National Institute for Health and Care Excellence [NICE], 2013).

Courchesne, Nader et Mottron (2020) dans Traité de neuropsychologie de l’enfant, p. 276-277.

Contrairement à ce qui a longtemps été véhiculé, l’apprentissage de type implicite ne serait pas
nécessairement déficitaire chez nos élèves TSA.
Au contraire, ces élèves peuvent parfois même apprendre par eux-mêmes de façon supérieure à leurs pairs neurotypiques!

Ainsi, bien que l’apprentissage implicite soit efficient, le fait de fournir des attentes claires, bien définies et ce, de manière explicite, demeure tout aussi pertinent. Il importe également de s’assurer que l’élève a bel et bien compris ce qui est attendu de lui.

S’adapter à leurs profils par le biais de différents moyens de flexibilité et d’adaptation

Afin de favoriser les apprentissages, voici quelques recommandations supplémentaires à considérer:

  • Favoriser la motivation en s’adaptant à leurs manières différentes d’apprendre;
  • Pour les évaluations, lorsque l’on cherche à évaluer le niveau d’acquisition d’une connaissance ou d’une habileté donnée, s’assurer que l’élève comprenait ce qu’il devait faire avant de lui attribuer un échec. Lorsqu’il est difficile de saisir s’il avait compris, vous pouvez tentez un exercice similaire avec des données plus simples. Il peut parfois même être pertinent de procéder à une démonstration de ce qui est attendu à l’aide d’exercices plus simples si ceci n’affecte pas l’objectif visé par l’évaluation.

Attention: pour les élèves en classe régulière, l’enseignant devra vérifier si l’acte qu’il pose relève d’une adaptation ou d’une modification (cf. La différenciation pédagogique en bref).

  • Pour les évaluations, il peut parfois être préférable d’évaluer à l’aide de choix de réponses ou de questions fermées. Les questions ouvertes peuvent être particulièrement difficiles pour certains et le fait d’utiliser cette formule peut finalement faire en sorte de ne pas évaluer la connaissance ou l’habileté visée.
  • Pour les apprentissages et les évaluations, l’utilisation d’une tablette électronique serait apparemment une avenue intéressante à explorer car la manière de présenter le matériel est souvent congruente avec leurs profils cognitifs.
  • Adapter le matériel et les consignes lorsque cela est possible (ex.: faire du modelage, expliquer les consignes à l’aide d’appuis visuels tels que les pictogrammes, photos, iPad, etc.).
  • Pour les évaluations, privilégier le matériel visuel, car il est souvent plus facile pour les élèves TSA d’accéder aux concepts des problèmes (accéder à leurs connaissances sémantiques) en procédant ainsi. Ce conseil est aussi valide en contexte d’apprentissage. Les chercheurs dans le domaine croient que cette façon de faire pourrait faciliter le traitement et l’intégration de l’information sémantique chez les TSA.

Dans ce contexte, montrer l’information, favoriser l’observation et laisser davantage de temps à l’apprentissage permettraient de potentialiser leurs apprentissages. Par exemple, au lieu d’expliquer à l’enfant verbalement qu’un triangle comporte trois côtés, qu’un carré a quatre côtés égaux, etc., on pourrait utiliser différents exemplaires de triangles et de carrés découpés dans du carton pour les placer ensuite dans des boîtes identifiées par le mot triangle ou carré. Ainsi, toute l’information présentée verbalement est également illustrée et concrète et elle demeure accessible en tout temps.

Courchesne et al., 2016
  • Plusieurs élèves TSA ont des forces au niveau du raisonnement visuel. Il peut donc être aidant de leur présenter les informations de façon structurée, par exemple sous forme de tableau à double entrée ou de matrice.

  • Dans le même ordre d’idées, les cartes conceptuelles sont également une bonne avenue à explorer.

Enfin, l’utilisation des intérêts privilégiés de l’enfant est souvent gagnante et peut servir de leviers aux apprentissages scolaires.

Exemples pour un élève qui aurait un intérêt particulier pour les camions de pompiers…

Dans tous les cas, il ne faudra jamais oublier que chaque enfant est différent. Ce qui fonctionne bien avec l’un peut être moins efficace avec l’autre. Il s’avère donc primordial de s’adapter d’abord et avant tout à l’élève auprès de qui nous intervenons en le considérant à la fois dans sa globalité mais aussi dans son unicité.

Références


Courchesne, V., Nader, A.-M., Girard, D., Bouchard, V., Danis, É. et Soulières, I. (2016). Le profil cognitif au service des apprentissages: optimiser le potentiel des enfants sur le spectre de l’autisme. Revue québécoise de psychologie, 37(2), 141–173. https://doi.org/10.7202/1040041ar

Courchesne, V., Nader, A-M. et Mottron, L. (2020). Chapitre 14: L’autisme. Dans S. Majerus, I. Jambaqué, L. Mottron, Van Der Linden, M. et M. Poncelet (dir.), Traité de neuropsychologie de l’enfant (2e éd.). DeBoeck.

Mottron, L. (2016). L’intervention précoce pour enfants autistes: nouveaux principes pour soutenir une autre intelligence. Bruxelles, Belgique: Margada.

Dernière mise à jour: 21 octobre 2021

Publié par Louise Rodrigue, psychologue/neuropsychologue scolaire

Détentrice d’un grade de doctorat en psychologie, neuropsychologue en milieu scolaire et fondatrice du site WWW.1001NEURONESENACTION.COM

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