Lumière sur la douance intellectuelle

© Louise Rodrigue, psychologue/neuropsychologue scolaire 

Aussi désignée par les expressions haut potentiel intellectuel (HPI), précocité intellectuelle ou tout simplement surdoué, la douance intellectuelle soulève bien des passions. En fait, l’engouement des dernières années pour cette thématique a mis en lumière différentes façons de conceptualiser le tout, et nécessairement des divergences d’opinions qui se soldèrent par quelques malentendus. D’ailleurs, l’Ordre des psychologues du Québec et l’Ordre des psychoéducateurs et psychoéducatrice du Québec, ont récemment publié sur le sujet, via leurs magazines respectifs. Cet article dresse un résumé des connaissances actuelles sur ce fascinant sujet.

À découvrir sur www.1001neuronesenaction.com

Fonctions exécutives: le phénomène des lettres miroirs vu sous l’angle de l’inhibition

© Louise Rodrigue, psychologue/neuropsychologue scolaire

L’apprentissage de la lecture constitue un défi de taille pour nos jeunes apprenants. Certains élèves relèvent ce défi avec brio, sans trop de difficultés, alors que pour d’autres, l’apprentissage est plus ardu. Parmi les erreurs classiques, nous retrouvons une fréquente confusion lorsqu’il s’agit de distinguer l’orientation des lettres.

Ce phénomène est totalement normal en début d’apprentissage et ce, même si l’élève possède une bonne acuité visuelle.

Mais quelle est donc la raison de ce phénomène?

L’apprentissage par la dénomination versus la reconnaissance visuelle

En début d’apprentissage, lorsque le tout-petit apprend à nommer les éléments qui l’entourent, il utilise les mêmes mots et ce, peu importe l’orientation de l’objet.

Ainsi, peu importe la façon dont la pomme est placée, elle demeure… une pomme!

Donc, histoire d’être fonctionnel et efficace, le cerveau tente de limiter la quantité d’information à traiter : lorsqu’il perçoit et doit identifier un objet, il n’analyse pas chacune des composantes avant de déterminer quel est l’objet!

Le cerveau va généraliser, c’est-à-dire qu’il va dégager une règle et l’appliquer de façon implicite à ce qui est similaire.

Un chien est un chien! Qu’il soit à droite, à gauche, à l’envers, couché sur le côté ou même… couché sur le dos!

Le cas des lettres miroirs

Le défi semble encore plus grand lorsqu’il s’agit d’apprendre à distinguer des lettres dont l’image en miroir constitue une autre lettre (b/d/p/q).

De nombreuses recherches tendent à démontrer que sur le côté et à l’arrière de l’hémisphère gauche du cerveau (ou si vous préférez: dans le cortex occipitotemporal ventro-latéral postérieure de l’hémisphère gauche) se trouvent des neurones qui, au cours de l’apprentissage de la lecture, se recyclent et se spécialisent dans la reconnaissance visuelle des lettres et des mots (l’aire de la forme visuelle des mots). Or, avant de se spécialiser, la fameuse phase de généralisation en miroir doit être franchise.

Pour ce faire, la composante inhibition des fonctions exécutives de l’élève est fortement sollicitée, et ce, à une période de vie où l’inhibition est en douce émergence.

Ainsi, l’élève se trouvera face à

  • une tâche qui est nouvelle et complexe pour lui (apprendre à distinguer, à lire et à écrire les lettres telles que b/d/p/q)

ET

  • il ne peut pas se fier à ses automatismes et à ses seules connaissances au sens strict du terme pour s’adapter à cette nouvelle situation.

Si l’élève ne fait pas preuve d’une flexibilité cognitive suffisante pour s’adapter à cette nouvelle façon de faire, il ne parviendra pas à distinguer spontanément ces lettres et il aura tendance à persévérer dans ses erreurs!

Encore une fois, rappelons qu’il s’agit d’une phase qui est généralement temporaire et totalement normale.

Dès que l’élève réussit à inhiber (donc bloquer) cette stratégie de généralisation qu’il avait automatisée dans d’autres contextes qui lui semblaient similaires (soit d’utiliser le même mot, peu importe l’orientation de ce qu’il doit nommer), l’identification correcte des lettres devient de plus en plus automatisée.

Attention par contre!

Si cette phase perdure au-delà de la phase normale, il y a lieu de se questionner sur la présence d’autres problématiques (confusions auditives, dyslexie, problématique de perception visuelle ou au niveau du traitement visuospatial, trouble des fonctions exécutives, etc.). *Ceci ne fera toutefois pas l’objet du présent billet.


Confusions visuelles? Auditives? Phonémiques? Mise en garde sur ce qui est véhiculée…

Certains chercheurs avancent que les confusions entre le b et le d et entre le p et le q relèvent d’une confusion visuelle.

La confusion entre le b et le p relèverait quant à elle d’une confusion auditive et phonémique.

Ici, la nuance s’impose!

Si la confusion auditive est sans aucun doute une hypothèse plausible à explorer, il demeure néanmoins qu’une confusion visuelle est possible pour l’ensemble de ces lettres, particulièrement en début d’apprentissage. Ainsi, lorsque le jeune lecteur apprend à lire, il n’est pas nécessairement inné qu’il doit aborder la page de la gauche vers la droite, laissant libre court à une image en miroir selon la perspective empruntée…

Enfin, de nombreuses autres pistes sont possibles… telles qu’une difficulté à inhiber!

Le d peut très bien être l’image en miroir du q si nous le percevons à la verticale… et le q du p


Comment aider l’élève à inhiber cet automatisme?

La plupart du temps, le tout rentre dans l’ordre sans qu’aucune intervention spécifique ne soit nécessaire… les méthodes d’enseignements actuelles sont généralement efficaces!

Néanmoins, certains élèves bénéficieront d’un petit coup de pouce supplémentaire afin de développer ce nouvel automatisme.

Voici quelques pistes (non exhaustives!) à explorer:

S’assurer que la base est présente: discrimination auditive et visuelle

Il faudra évidemment s’assurer au préalable que l’élève est capable de discriminer visuellement ces lettres et de discriminer auditivement le phonème correspondant à chacune de ces lettres.

  • Discrimination auditive: placez-vous dos à dos avec l’élève. Demandez-lui de répéter après vous les lettres qui pourraient éventuellement être problématiques (b, d, p, q … mais il peut également être intéressant d’explorer d’autres lettres) et ce, en énonçant les lettres sur un ton naturel, sans exagérer votre prononciation. Vous serez alors en mesure d’apprécier s’il entend minimalement le son (audition et/ou traitement auditif) et s’il est capable de le reproduire correctement (langage et/ou parole). Attention: les confusions auditives ne se travaillent pas de la même façon que les confusions visuelles. Consultez l’orthophoniste de l’école pour obtenir son avis.
  • Pour s’assurer que l’élève est en mesure de bien discriminer ces lettres sur le plan visuel, inspirez-vous des exercices suivants:

Lorsque la problématique se situe davantage au niveau de la discrimination visuelle et de la perception, un soutien en ergothérapie, voire même parfois en optométrie développementale ou en orthoptie (lorsque ces ressources sont disponibles) peut être une avenue intéressante.

Dans tous les cas, il sera intéressant de travailler la discrimination visuelle en faisant verbaliser à l’élève les différences et les ressemblances entre les lettres. Plusieurs exercices sur le web et sur le marché visent à travailler cette difficulté. Ceux-ci consistent par exemple à trouver les lettres identiques aux modèles proposés, à prélever des indices et à repérer des intrus parmi un ensemble de lettres, etc.

Comprendre: expliquer le phénomène des lettres miroirs

Expliquez clairement le phénomène des lettres miroirs à l’élève afin qu’il saisisse bien la nature de son erreur. Pour ce faire,

  • Demandez à l’élève de vous apporter un objet (signifiant idéalement!) qu’il aime beaucoup (histoire de favoriser la motivation et l’encodage!).
  • Demandez à l’élève de mettre cette objet sur son pupitre.
  • Demandez-lui de vous nommer cet objet.
  • Puis, demandez-lui de changer de côté et de vous renommer cet objet.
  • Faites cet exercice pour tous les côtés du pupitre; l’élève doit être en mesure de saisir clairement que peu importe où il se situe, l’objet porte le même nom.
  • Par la suite, faites le même exercice, mais cette fois-ci avec la lettre b en minuscule.
  • Expliquez à l’élève que le cerveau nous joue parfois des tours avec ce type de lettre, parce que nous l’avons programmé à reconnaître un objet dans n’importe quelle position, mais que maintenant, il doit apprendre que pour certaines lettres, il ne peut pas agir ainsi et que la lettre doit toujours être dans la même position pour que l’on puisse l’identifier correctement.

Donner un indice concret et ludique: la méthode des Alphas

Associer la lettre à un personnage ou un objet, comme dans la méthode bien connue des Alphas. Voici quelques liens externes (non exhaustifs) pour en apprendre plus sur cette méthode…

Apprendre à repérer l’erreur, s’assurer de bien la comprendre, inhiber l’automatisme puis activer la bonne règle: L’attrape-Piège

  • Inspirez-vous de L’attrape-Piège, un dispositif didactique pour apprendre aux élèves à inhiber leurs automatismes qui posent problèmes dans un contexte où ces automatismes les induisent en erreur (Cf. : Piste péda: l’Attrape-Piège sur le site Science-Cognitives.fr). L’attrape-piège est composé d’une planche transparente hachurée: celle-ci représente l’inhibition de l’heuristique (automatisme). La partie centrale non- hachurée de l’attrape-piège représente la règle à utiliser. Le principe est simple et apparemment efficace: identifier son erreur, en comprendre la cause, inhiber l’automatisme qui pose problème, activer la bonne règle à utiliser. Les auteurs de ce dispositif mentionne que cette approche pédagogique serait plus efficace que de simplement rappeler la règle.

Pour apprendre à l’élève à corriger ce type d’erreurs, il ne suffit pas de lui réexpliquer la règle (ou l’algorithme logique), il faut surtout lui apprendre inhiber les heuristiques et les automatismes que son cerveau a construits par l’observation de certaines régularités dans son environnement ou au cours d’apprentissages scolaires antérieurs.

Borst, 2018

Bonifier et peaufiner s’il y a lieu, en rendant le tout amusant: Explorez les trésors du web

Le web regorge d’idées les plus imaginatives les unes que les autres afin d’aider nos petits trésors à ne plus confondre ces lettres. Voici quelques idées sympathiques à explorer – liens externes (non exhaustifs – n’hésitez pas à nous faire découvrir vos trésors dans les commentaires!):

https://maitrise-langue.spip.ac-rouen.fr/IMG/pdf/ne_plus_confondre_b_d_p_q_en_gs_ou_et_au_cp_version_2.pdf

https://youtu.be/vwMe5pGlZWA

https://www.logicieleducatif.fr/francais/confusions/bpdq1.php

https://www.google.ca/amp/s/lecycle2.wordpress.com/2016/07/20/confusions-visuelles-b-et-d-outils-mnemotechniques-discrimination-fiches-exercices-remediation-cp-ce1/amp/

http://brigitteprof.brigitteleonard.com/activitesinteractive/francais/exercice-b-d-p-q/

Enfin, il importe de se souvenir qu’un automatisme se développe via l’entraînement et la répétition:

Plus l’identification correct de la lettre deviendra automatique, moins l’inhibition aura à être sollicitée.

Le mot clé:

Pratiquer… et surtout PRA-TI-QUER MIEUX!

Quelques références

Ahr, E., Houdé O. Et Borst G. (2016), Inhibition of the mirror generalization process in reading in school-aged children. Journal of Experimental Child Psychology, 145, 157-165. http://doi.org/10.1016/j.jecp.2015.12.009

Bornstein M., Gross C. et Wolf J. (1978), Perceptual similarity of mirror images in infancy. Cognition, 6, 89-116.

Borst G., Ahr E., Roell M. et Houdé, O. (2015), The cost of blocking the mirror generalization process in reading : evidence for the role of inhibitory control in discriminating letters with lateral mirror-image counterparts. Psychonomic Bulletin & Review, 22(1), 228-234. http://doi.org/10.3758/s13423-014-0663-9

Borst, G. (2018). Chapitre 25. Comment le cerveau apprend à surmonter les obstacles cognitifs ?. Dans : Arnaud Roy éd., Neuropsychologie de l’enfant: Approches cliniques, modélisations théoriques et méthodes (pp. 394-404). Louvain-la-Neuve: De Boeck Supérieur. https://doi.org/10.3917/dbu.roy.2018.01.0394"

Cornell, J. M. (1985). Spontaneous mirror-writing in children. Canadian Journal of Psychology/Revue Canadienne de Psychologie, 39, 174–179.

Dehaene, S. (2007). Les neurones de la lecture. Odile Jacob.

Dehaene S., Nakamura K., Jobert A., Kuroki C., Ogawa S. et Cohen L. (2010). Why do children make mirror errors in reading ? Neural correlates of mirror invariance in the visual word form area. NeuroImage, 49(2), 1837-1848. http://doi.org/10.1016/j.neuroimage.2009.09.024

Dehaene, S., et Cohen, L. (2011). The unique role of the visual word form area in reading. Trends in Cognitive Sciences, 15, 254–262.

Diamond A., Barnett W. S., Thomas J. et Munro S. (2007), Preschool program improves cognitive control. Science, 318(5855), 1387-1388. http://doi.org/10.1126/science.1151148

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Dernière mise à jour: 15 mai 2022

Avis légaux

Habiletés de planification: petit aide-mémoire visant à soutenir l’élève

Loïk doit résoudre le problème suivant:

Loïk doit donc solliciter ses habiletés de planification.

Faisons ensemble une brève incursion dans le monde de cette composante des fonctions exécutives.

La planification en tant que composantes des fonctions exécutives

Rappelons tout d’abord la définition de base des fonctions exécutives.

Elles permettent donc à l’élève la réalisation d’un comportement dirigé vers un objectif, ce qui lui permet de s’adapter aux situations nouvelles ou complexes. Conséquemment, la réalisation de ces actions nécessitera de solliciter les habiletés de planification de la part de l’élève, habiletés qui se développent tout au long de l’enfance et de l’adolescence.

Il importe tout de même de se situer en fonction de nos repères développementaux (cf.: Préscolaire 4 et 5 ans et fonctions exécutives: nuances et mises en garde):

Plusieurs chercheurs mentionnent que les processus inhibiteurs et de mémoire de travail émergent de manière plutôt précoce chez les touts-petits, puis la composante flexibilité cognitive se distinguerait un peu plus tard.

Enfin, lorsque ces trois composantes seront bien installées, les processus de plus haut niveau, tel que la planification de l’action, deviendront opérationnels (Diamond, 2013).

Conclusion: nous ne devons pas nous attendre à ce que nos élèves du primaire soient en mesure de mettre en œuvre des scénarios de planification très étoffés!

La planification


En simple, il s’agit de planifier dans le temps une succession d’étapes, en vue de la réalisation d’un but.


Stratégique

La planification nécessite de:

  • Concevoir des stratégies;
  • Sélectionner des stratégies;
  • Appliquer des stratégies.

Relativement complexe

Elle doit tenir compte:

  • De ce qui doit être fait (la tâche, l’action, le comportement);
  • Du but, de l’objectif, du résultat à obtenir;
  • Des points positifs versus les points négatifs envisageables (anticipations de l’écart entre ce qui risque d’arriver et l’objectif): l’élève doit se demander quel est le meilleur chemin à emprunter pour atteindre l’objectif;
  • Des ressources disponibles versus des contraintes qui elles, peuvent être de différents ordres: environnementales, matérielles, psychologiques, culturelles, temps, etc. Les fonctions exécutives devront d’ailleurs gérer les priorités en fonction de ces contraintes. Par exemple, si Isaac doit remettre son travail de chimie dans deux jours, il ne planifiera peut-être pas de la même manière que s’il devait le remettre dans deux mois!

L’interdépendance des différentes composantes

N’oublions pas que les fonctions exécutives sont interdépendantes, la planification n’échappe pas à cette règle. Par exemple:

Les stratégies se réalisent via une suite d’actions qui se succéderont dans le temps selon une chronologie organisée de façon logique (idéalement du moins!).

Elle est donc très séquentielle.

L’inhibition est également nécessaire à une bonne planification.

Ève est très loquace et elle aime élaborer verbalement sur différents sujets. On lui a d’ailleurs souligné à de multiples reprises que ceci était une grande force chez elle. Aujourd’hui, pour réussir sa présentation orale, elle doit synthétiser et aller aux points saillants afin que les autres élèves soient en mesure de comprendre ce qu’est un neurone en seulement 5 minutes. Ève doit être en mesure d’inhiber son habitude de se lancer dans de longues explications, cibler les points importants, les mettre en ordre et tenir compte du facteur temps. Bref, elle doit planifier.

La mémoire de travail a aussi son rôle à jouer: l’élève doit garder en mémoire de travail les différentes étapes à exécuter ainsi que leur ordre, se souvenir de ce qu’il a déjà fait et de ce qui lui reste à faire.

Enfin, l’élève doit être en mesure de s’activer pour mettre en œuvre ses stratégies et les mener à terme.


Pour toutes ces raisons, voici un petit aide-mémoire bien utile à tout intervenant désireux d’accompagner l’élève au niveau du développement de ses habiletés de planification:

La planification à l’école: aide-mémoire

Références

Caron, A. (2011) Être attentif c’est bien mais persister c’est mieux! Stratégies pour développer la persistance dans la tâche chez les élèves. Chenelière Éducation.

Diamond, A. (2013). Executive functions. Annual Review of Psychology, 64, 135–168. https://doi.org/10.1146/annurev-psych-113011-143750

Lussier, F., Chevrier, E. et Gascon, L. (2018). Neuropsychologie de l’enfant et de l’adolescent: Troubles développementaux et de l’apprentissage. Paris: Dunod.

Mazeau, M. et Pouhet, A. (2014). Neuropsychologie et troubles des apprentissages chez l’enfant : du développement typique aux dys- (2e édition, Ser. Neuropsychologie). Elsevier-Masson.

Moret, A. et Mazeau, M. (2019). Le syndrome dys-exécutif chez l’enfant et l’adolescent : répercussions scolaires et comportementales (2e édition). Elsevier Masson.

Infographie sur les fonctions exécutives

Quelques exemples de composantes des fonctions exécutives que nous pouvons trouver dans la littérature…

Tout à fait gratuit. 🙂

Reproduction autorisée, avec mention de la source.

Une belle semaine à vous tous!

Préscolaire 4 et 5 ans et fonctions exécutives: nuances et mises en garde

Le thème des fonctions exécutives gagne en popularité au sein de plusieurs centres de services scolaires. Dans un élan concerté d’agir précocement afin de favoriser la réussite éducative, des interventions spécifiques sont proposées pour les enfants dès l’entrée à l’école. Avec l’arrivée du préscolaire 4 ans, nous sommes d’ailleurs en mesure de cibler nos élèves à risque encore plus rapidement. Conséquemment, plusieurs propositions, pistes d’intervention ou programmes, émergent des différents modèles théoriques qui portent sur les fonctions exécutives. Toutefois, ces modèles ne sont pas toujours adaptés à la réalité développementale de ces très jeunes élèves.

Le contrôle cognitif chez nos tout-petits

S’il est vrai que nos tout-petits se laissent souvent guider par les stimuli qui les entourent, il n’en demeure pas moins que très précocement, ils font aussi preuve d’un certain contrôle cognitif sur leur environnement.

Cette célèbre épreuve, qui a été administrée à des enfants aussi jeunes que 4 ans, démontre que l’enfant n’est pas seulement guidé par ses désirs et par son impulsivité.

Peu à peu, l’enfant développe ses capacités et son efficacité sur le plan du contrôle cognitif. Le développement de l’autocontrôle se fait principalement via des changements qualitatifs. Les stratégies utilisées pour faire face aux situations nouvelles et complexes se peaufinent, les processus exécutifs se mettent progressivement en place, se différencient dans leurs fonctions et se coordonnent de mieux en mieux.

Les modèles théoriques sur les fonctions exécutives

Les fonctions exécutives ont été scrutées à la loupe par de nombreux théoriciens et chercheurs. Malgré tout, le débat demeure à savoir quelles composantes y sont associées.

À ce jour, plusieurs modèles ont été proposés pour en rendre compte (ex. : le modèle de Dennis, le modèle de Diamond). Un des modèles théoriques le plus souvent cités est celui décrit par Miyake et al. (2000). Suite à une analyse de régression, ces chercheurs ont identifié trois composantes qui seraient déterminantes au niveau des fonctions exécutives:

  1. l’inhibition;
  2. la flexibilité;
  3. la mise à jour en mémoire de travail.

Ces composantes sont à la fois indépendantes et liées (corrélées entre elles). D’ailleurs, plusieurs propositions plus récentes vont en ce sens.

Le hic? Si ce modèle s’avère utile pour rendre compte de ce qui est observé chez l’adulte, il est néanmoins beaucoup moins applicable pour nos tout-petits. Il faut donc faire preuve de prudence lorsqu’il s’agit d’appuyer les interventions prodiguées au préscolaire sur ce modèle.

Les fonctions exécutives à l’âge du préscolaire: où en sommes-nous pour le moment?

Pour le moment, la plupart des auteurs, même ceux qui ont développé des modèles théoriques spécifiques à l’enfant, convergent vers l’idée que les fonctions exécutives ne seraient pas différentiables jusqu’à la fin de la période du préscolaire. Ainsi, de façon générale, le modèle unitaire est celui qui est privilégié jusqu’à environ 4-5 ans. Nous parlons alors des fonctions exécutives au sens large. Puis progressivement, les différentes composantes se spécialisent et deviennent partiellement indépendantes. Voici les premières composantes qui commenceront à s’individualiser:

3-5 ans

L’inhibition et la mémoire de travail commencent très doucement à se mettre en place.

5-6 ans

L’inhibition et la mémoire de travail poursuivent plus clairement leur développement.

6-7 ans

La flexibilité cognitive se peaufine; ceci se déroulera sur plusieurs années. Nous ne parlerons d’une individualisation de la flexibilité cognitive qu’en fin d’adolescence (Lee et al., 2013).

(…) puis l’adolescence…

Certains auteurs vont jusqu’à suggérer que la mise en place de cette structure en trois facteurs ne pourrait véritablement s’observer qu’au cours de l’adolescence.

In a group of 211 children, who were tested at the beginning of grade 1, at approximately 6 years of age, and again after 18 months, the best fitting model was not the three-factor model, but instead consisted of an updating factor and a combined inhibition and shifting factor, besides two baseline speed factors (verbal and motor). 

VANT DER VEN ET AL., 2013

Les fonctions exécutives, le préscolaire et le milieu de l’éducation

Les études démontrent que les enfants de la maternelle qui possèdent de bonnes habiletés exécutives s’engagent plus efficacement dans les situations d’apprentissage offertes en première année du primaire. De plus, de façon générale, les fonctions exécutives et la réussite éducative ont un lien de corrélation. Il n’est donc pas surprenant de constater que le monde de l’éducation s’intéresse de plus en plus à comprendre ces fonctions, et ce, notamment dans le but de guider les interventions, optimiser les pratiques et favoriser la réussite éducative de nos jeunes élèves. Or, à cet âge, des différences notables peuvent être présentes d’un élève à l’autre (par exemple entre un élève âgé de 4 ans 1 mois et un élève âgé de 4 ans 11 mois) sans que ceci ne soit nécessairement hors-norme.

Exemple issu de la psychométrie

Prenons l’exemple du sous-test Inhibition issu de la Nepsy-II. Dans cette tâche, une série de formes (ronde ou carré par exemple) est présentée à l’enfant. Celui-ci doit nommer la forme contraire à celle qu’il voit. Par exemple, si l’enfant voit un rond, il devra dire carré et vice versa. Il doit donc inhiber son automatisme (l’automatisme de nommer spontanément ce qu’il voit). Pour juger de la qualité de cette composante à cette tâche, l’examinateur doit prendre en compte deux paramètres où il situera l’élève par rapport à son groupe d’âge: la vitesse (le temps requis pour effectuer l’ensemble de la tâche) et la précision (le nombre d’erreurs que l’élève a fait).

Pour obtenir, par exemple, un score qui le situe au 50e rang centile, Loïc, âgé de 5 ans 1 mois, doit faire la tâche entre 130s et 142s (condition vitesse) et son niveau d’erreur devra être entre 15 et 17 (toujours pour se situer au 50e rang centile, mais cette fois-ci dans la condition précision). Toutefois, afin de se situer au 50e rang centile, Isaac, âgé de 5 ans 7 mois, devra effectuer la tâche entre 120s et 129s (soit une différence de 10 à 13 secondes si nous comparons à Loïc) et le niveau d’erreur sera entre 13 et 15 (soit une différence de 2 erreurs si nous comparons à Loïc).

Outre l’âge, différents paramètres peuvent également venir influencer le niveau de l’enfant quant à différentes sphères de développement lorsqu’il intègre le milieu scolaire (milieu culturel, environnement, etc.). Chacun des élèves intègre l’école avec son petit bagage de vie qui lui est propre.

Les programmes d’intervention doivent donc prendre en compte ce fait avéré. Toutefois, pour le moment, peu d’études porte spécifiquement sur les fonctions exécutives en contexte d’éducation préscolaire.

Appréciation des fonctions exécutives par observation?

Il est pratique courante de procéder par observations en milieu scolaire et ce, afin d’identifier les besoins puis les interventions requises pour mieux répondre aux besoins s’il y a lieu. Conséquemment, Duval et al. ont rédigé un article intéressant dans la revue Neuroéducation en 2018 qui proposait d’examiner comment les habiletés reliées aux fonctions exécutives pouvaient être mises à contribution par le biais d’observations pour ultimement mieux accompagner l’enfant (intervention). À l’éducation préscolaire, les auteurs proposaient que la mémoire de travail pouvait s’observer par exemple lors de la lecture d’une histoire, lorsque l’adulte lui pose des questions sur les évènements et les personnages, si l’adulte invite l’enfant à faire des liens entre l’histoire et sa vie personnelle, ce dernier sera amené à utiliser différentes habiletés de mémoire. L’inhibition quant à elle pouvait se manifester lors d’un jeu de construction, par exemple. En voulant construire une tour de huit étages (comme celle devant sa maison), un enfant pourrait alors être amené à contrôler ses gestes pour que la tour ne s’effondre pas en cours de construction. Cet enfant devra alors adapter ses gestes en fonction de l’environnement, de manière à répondre à l’objectif qu’il s’est lui-même fixé. Si la tour s’effondre, il sera amené à réguler ses émotions (p. ex. se féliciter d’avoir fait cinq étages au lieu d’être fâché de ne pas en avoir réalisé huit), ce qui est également associé à l’inhibition. Enfin, il était proposé que l’élève pourrait user d’habiletés liées à la flexibilité mentale en suivant les règles associées à une routine précise (p. ex. transiter du coin blocs vers la collation) ou en s’engageant dans un rôle au coin jeu symbolique (p. ex. passer du statut « enfant » à celui de « commis d’épicerie », en suivant les règles associées au jeu).

La prudence s’impose ici: s’il demeure intéressant d’observer des manifestations possibles des fonctions exécutives chez nos petits élèves, il n’en demeure pas moins que l’intervenant avisé devrait selon nous s’en tenir à une appréciation globale, sans chercher à établir un quelconque déficit d’une composante (ex.: déficit d’inhibition) à partir de ces observations à l’œil nu. S’il est possible que les exemples ci-haut mentionnés soient tributaires des fonctions exécutives, un ensemble d’autres fonctions sont également sollicitées (langage, mémoire à long terme, praxies, etc.) et une difficulté ou un dysfonctionnement de l’une ou l’autre de ces fonctions (ou même toutes ces fonctions) pourraient se répercuter sur le comportement manifesté par l’élève. Le néophyte en la matière doit également savoir que même à l’aide d’épreuves psychométriques normées, ces éléments demeurent souvent complexes à départager avec les élèves du préscolaire. Il nous paraît donc assez hasardeux de s’y risquer à l’œil nous. Tout au plus, nous ne pouvons qu’apprécier le comportement par observations et formuler des hypothèses.

Considérants pour le milieu scolaire

La mise en place de programmes d’intervention a tout avantage à prendre appui sur les données probantes et à être articulé de façon cohérente avec les données actuelles de la recherche. La prudence s’impose dans de nombreuses sphères, les fonctions exécutives n’y font évidemment pas exception.

Au niveau développemental, il y a un monde entre un élève âgé d’à peine 4 ans et un élève d’à peine 6 ans. L’importance d’étudier les fonctions exécutives lors de cette période critique de 3 à 6 ans est sans équivoque.

La période du préscolaire est le moment idéal pour:

  • Créer les conditions propices à l’émergence des fonctions exécutives, c’est-à-dire faire en sorte que l’élève se trouve face à des situations ou des tâches qui sont nouvelles pour lui, situations ou tâches où ses seules connaissances au sens strict du terme et ses automatismes/routines ne suffiront plus pour faire face à la situation;
  • Créer un environnement stimulant, qui donne le goût d’explorer et d’apprendre;
  • Proposer des nouveautés et des petits défis à la hauteur de l’élève (zone proximale de développement);
  • Mettre en place les conditions gagnantes qui permettront l’émergence d’apprentissages implicites basés sur la répétition d’expériences;
  • Graduer progressivement les niveaux de difficulté;
  • Utiliser l’enseignement explicite pour les apprentissages plus formels (notamment les connaissances académiques spécifiques à apprendre) ou plus difficiles pour l’élève… ou tout simplement lorsque requis!;
  • Commencer doucement à stimuler la métacognition, en procédant notamment par modeling et en donnant du feedback sur la tâche;
  • Si après plusieurs répétitions des difficultés subsistent, noter les stratégies qui ne fonctionnent pas mais aussi…celles qui fonctionnent: ceci sera un indicateur très utile pour identifier la ou les voie(s) à privilégier dans les années à venir!

Références

Bellaj, T., Soumaya Salhi, I. et Guerra, A. (2021). Chapitre 1 Diversité culturelle et développement des fonctions exécutives chez l’enfant. Dans A. Roy, N. Fournet, D. Le Gall et J-L. Roulin (2021). Les fonctions exécutives de l’enfant. Approches théoriques et cliniques. DeBoeck Supérieur.

Blaye, A. (2021). Chapitre 2 Développement du contrôle cognitif au cours de la période préscolaire. Dans A. Roy, N. Fournet, D. Le Gall et J-L. Roulin (2021). Les fonctions exécutives de l’enfant. Approches théoriques et cliniques. DeBoeck Supérieur.

Dennis M. (2006). Prefrontal cortex: typical and atypical development. Dans : Risberg, J., et Grafman, J. (2006). The frontal lobes: development, function and pathology. New York : Cambridge University Press, p. 128-62.

Diamond, A. (2006). The early development of executive functions. Dans: Bialystok, E., et Craik, F.I.M. (Eds.), Lifespan cognition; mechanisms of change (pp. 70–91). Oxford University Press.

Diamond, A. (2013). Executive functions. Annual Review of Psychology, 64, 135–168. https://doi.org/10.1146/annurev-psych-113011-143750

Diamond, A. (2016). Why improving and assessing executive functions early in life is critical. Dans J. A. Griffin, P. McCardle et L. S. Freund (dir.), Executive function in preschool-age children: Integrating measurement, neurodevelopment, and translational research (p. 11-43). Washington, DC: American Psychological Association. https://doi.org/10.1037/14797-002

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Lee, K., Bull, R. et Ho, R. M. H. (2013). Developmental Changes in Executive Functioning. Child Development, 84(6), 1933–1953. https://doi.org/10.1111/cdev.12096

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Avis légaux

Apprentissages scolaires et Trouble du spectre de l’autisme (TSA): pistes d’intervention issues de la recherche

© Louise Rodrigue, psychologue/neuropsychologue scolaire

Les élèves présentant un Trouble du spectre de l’autisme (TSA) font partie d’une population très hétérogène, tant en ce qui a trait à la présentation clinique du trouble, qu’à leurs caractéristiques au niveau cognitif. Pour cette raison, il est impossible de dégager des prescriptions de règles à suivre ou d’interventions à privilégier. Toutefois, certaines pistes émergent des recherches actuelles, notamment en lien avec le fonctionnement exécutif, et méritent d’être envisagées. Il s’agira de déterminer si celles-ci peuvent répondre aux besoins spécifiques de l’élève et de s’adapter à son profil individuel.

Prendre en compte l’importance de la catégorisation

Pour les élèves TSA, comme chez tout autre élève, la catégorisation peut être aidante lorsqu’il s’agit d’appendre et d’encoder des informations. Par contre, leurs manières de catégoriser est souvent différentes de celle des neurotypiques. Ils ont tendance à se baser sur moins de critères ou encore, sur des critères différents, souvent plus perceptifs. Il semble donc important qu’ils aient accès au matériel à apprendre le plus possible afin qu’ils en dégagent les régularités selon une logique qui leur est propre. Ainsi, l’élève pourra faire ses propres liens, ce qui sera davantage signifiant pour lui.

Les chercheurs proposent de favoriser l’accès à l’ensemble des informations plutôt qu’à une seule partie. Par exemple, dans le but d’apprendre les tables de multiplication, il vaut mieux présenter

que de présenter

et ce, afin que l’élève puisse extraire les régularités plus facilement.

Laisser plus de temps

Les élèves TSA ont souvent besoin de plus de temps pour apprendre, les apprentissages se font plus lentement. Il peut être bénéfique de les exposer à plus d’exemplaires d’une catégorie avant d’atteindre la même performance que leurs pairs sans TSA.

De plus, attention! L’élève peut parfois sembler ne rien faire, il n’est pas toujours visible pour l’observateur externe d’être en mesure de déterminer si l’élève est en cours d’apprentissage… ce qui ne veut pas forcément dire qu’il n’est pas en train d’apprendre. La patience est de mise.

L’importance de la rétroaction

Si le fait de donner des encouragements et du support lorsque l’on accompagne un jeune dans un nouvel apprentissage est bénéfique, la plus-value semble moins évidente en court d’apprentissage. En effet, ceci peut briser le rythme d’apprentissage pour certains élèves, car ceux-ci sont potentiellement en train d’élaborer leurs propres liens. Ainsi, lorsque la rétroaction est nécessaire en cours de tâche, il serait préférable de s’en tenir au minimum nécessaire, particulièrement lorsqu’il s’agit de faire des liens entres des concepts.

Favoriser l’apprentissage implicite en mettant en place un cadre clair et bien défini

Courchesne, Nader et Mottron (2020) mentionnent un élément très pertinent à prendre en considération dans la pratique scolaire:

L’intervention dominante auprès des personnes autistes d’âge préscolaire est inspirée des théories béhavioristes de l’apprentissage (Intervention comportementale intensive ou ICI, dérivé du terme Applied Behavior Analysis). Ces approches visent notamment à renforcer les comportements désirés (par exemple, contact visuel) et/ou la diminution des comportements jugés comme interférants avec le développement de l’enfant (par exemple, intérêts restreints). Leurs principes consistent à décomposer et fragmenter la tâche, à utiliser les renforcements positifs pour favoriser l’adoption de comportements jugés «adaptés» et à répéter les apprentissages. Leur diffusion planétaire contraste avec la limitation méthodologique des études de validation de ces méthodes (National Institute for Health and Care Excellence [NICE], 2013).

Courchesne, Nader et Mottron (2020) dans Traité de neuropsychologie de l’enfant, p. 276-277.

Contrairement à ce qui a longtemps été véhiculé, l’apprentissage de type implicite ne serait pas
nécessairement déficitaire chez nos élèves TSA.
Au contraire, ces élèves peuvent parfois même apprendre par eux-mêmes de façon supérieure à leurs pairs neurotypiques!

Ainsi, bien que l’apprentissage implicite soit efficient, le fait de fournir des attentes claires, bien définies et ce, de manière explicite, demeure tout aussi pertinent. Il importe également de s’assurer que l’élève a bel et bien compris ce qui est attendu de lui.

S’adapter à leurs profils par le biais de différents moyens de flexibilité et d’adaptation

Afin de favoriser les apprentissages, voici quelques recommandations supplémentaires à considérer:

  • Favoriser la motivation en s’adaptant à leurs manières différentes d’apprendre;
  • Pour les évaluations, lorsque l’on cherche à évaluer le niveau d’acquisition d’une connaissance ou d’une habileté donnée, s’assurer que l’élève comprenait ce qu’il devait faire avant de lui attribuer un échec. Lorsqu’il est difficile de saisir s’il avait compris, vous pouvez tentez un exercice similaire avec des données plus simples. Il peut parfois même être pertinent de procéder à une démonstration de ce qui est attendu à l’aide d’exercices plus simples si ceci n’affecte pas l’objectif visé par l’évaluation.

Attention: pour les élèves en classe régulière, l’enseignant devra vérifier si l’acte qu’il pose relève d’une adaptation ou d’une modification (cf. La différenciation pédagogique en bref).

  • Pour les évaluations, il peut parfois être préférable d’évaluer à l’aide de choix de réponses ou de questions fermées. Les questions ouvertes peuvent être particulièrement difficiles pour certains et le fait d’utiliser cette formule peut finalement faire en sorte de ne pas évaluer la connaissance ou l’habileté visée.
  • Pour les apprentissages et les évaluations, l’utilisation d’une tablette électronique serait apparemment une avenue intéressante à explorer car la manière de présenter le matériel est souvent congruente avec leurs profils cognitifs.
  • Adapter le matériel et les consignes lorsque cela est possible (ex.: faire du modelage, expliquer les consignes à l’aide d’appuis visuels tels que les pictogrammes, photos, iPad, etc.).
  • Pour les évaluations, privilégier le matériel visuel, car il est souvent plus facile pour les élèves TSA d’accéder aux concepts des problèmes (accéder à leurs connaissances sémantiques) en procédant ainsi. Ce conseil est aussi valide en contexte d’apprentissage. Les chercheurs dans le domaine croient que cette façon de faire pourrait faciliter le traitement et l’intégration de l’information sémantique chez les TSA.

Dans ce contexte, montrer l’information, favoriser l’observation et laisser davantage de temps à l’apprentissage permettraient de potentialiser leurs apprentissages. Par exemple, au lieu d’expliquer à l’enfant verbalement qu’un triangle comporte trois côtés, qu’un carré a quatre côtés égaux, etc., on pourrait utiliser différents exemplaires de triangles et de carrés découpés dans du carton pour les placer ensuite dans des boîtes identifiées par le mot triangle ou carré. Ainsi, toute l’information présentée verbalement est également illustrée et concrète et elle demeure accessible en tout temps.

Courchesne et al., 2016
  • Plusieurs élèves TSA ont des forces au niveau du raisonnement visuel. Il peut donc être aidant de leur présenter les informations de façon structurée, par exemple sous forme de tableau à double entrée ou de matrice.

  • Dans le même ordre d’idées, les cartes conceptuelles sont également une bonne avenue à explorer.

Enfin, l’utilisation des intérêts privilégiés de l’enfant est souvent gagnante et peut servir de leviers aux apprentissages scolaires.

Exemples pour un élève qui aurait un intérêt particulier pour les camions de pompiers…

Dans tous les cas, il ne faudra jamais oublier que chaque enfant est différent. Ce qui fonctionne bien avec l’un peut être moins efficace avec l’autre. Il s’avère donc primordial de s’adapter d’abord et avant tout à l’élève auprès de qui nous intervenons en le considérant à la fois dans sa globalité mais aussi dans son unicité.

Références


Courchesne, V., Nader, A.-M., Girard, D., Bouchard, V., Danis, É. et Soulières, I. (2016). Le profil cognitif au service des apprentissages: optimiser le potentiel des enfants sur le spectre de l’autisme. Revue québécoise de psychologie, 37(2), 141–173. https://doi.org/10.7202/1040041ar

Courchesne, V., Nader, A-M. et Mottron, L. (2020). Chapitre 14: L’autisme. Dans S. Majerus, I. Jambaqué, L. Mottron, Van Der Linden, M. et M. Poncelet (dir.), Traité de neuropsychologie de l’enfant (2e éd.). DeBoeck.

Mottron, L. (2016). L’intervention précoce pour enfants autistes: nouveaux principes pour soutenir une autre intelligence. Bruxelles, Belgique: Margada.

Dernière mise à jour: 21 octobre 2021

RAI – Modèle de réponse à l’intervention

Il y a consensus à ce sujet: intervenir en amont est généralement gagnant!

Le modèle RAI part de cette philosophie: offrir un solide enseignement à la base et intensifier les interventions s’il y a lieu.

Utile tant sur le plan des apprentissages que sur le plan comportemental, ce modèle peut…

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Psychologie et milieu de l’éducation: le poids des dilemmes éthiques

Vient de paraitre dans la revue Psychologie Québec du mois de juin 2021, revue officielle de l’Ordre des psychologues du Québec

Ma collègue, Nancy Landry, et moi-même, avons eu le privilège de contribuer à ce dossier spécial Et nous? La détresse professionnelle: pour aider sans s’enliser, confié à la gouverne de Dre Pascale Brillon, psychologue et experte bien connue, entre autres, pour son apport aux thèmes du trauma vicariant et de la fatigue de compassion.

Via notre article, Psychologie et milieu de l’éducation: le poids des dilemmes éthiques, nous faisons état de certains défis propres à notre profession et des stresseurs inhérents. Loin d’être un billet de revendication, il s’agit simplement d’une mise en bouche qui vise à rappeler l’importance de faire preuve de bienveillance envers soi-même pour être en mesure d’exercer pleinement nos fonctions, ainsi que de sensibiliser les milieux aux différents enjeux entourant notre profession dans ce contexte de pratique précis: les enjeux légaux, déontologiques, éthiques, organisationnels et personnels.

La nécessité d’être soutenue par un milieu de travail sain et bienveillant y est abordée, faute de quoi, envahi par la charge, limité par le temps et muselé par le secret professionnel, la position de vulnérabilité du psychologue est sans équivoque, ce qui devient un terrain particulièrement propice aux sentiments d’impuissance, à la détresse, à l’épuisement, à la fatigue de compassion.

« Être psychologue, dans les bonnes dispositions, est un privilège, une source infinie de gratification et, surtout, un travail qui n’est jamais en quête de sens. »

Dre Christine Grou, présidente de l’Ordre des psychologues du Québec

La mise en place de mesures préventives, tant sur le plan personnel qu’organisationnel, s’avère nécessaire dans un tel contexte et ce, afin de maintenir notre vitalité d’intervenant et de continuer à offrir des services rigoureux, de qualité, empreints d’empathie et de bienveillance envers nos élèves et les acteurs qui gravitent autour d’eux. Il s’agit d’un ingrédient de base essentiel à l’accomplissement de la mission éducative qui nous est confiée par l’État.


Pour consulter notre article, cliquez sur le lien suivant:

https://www.ordrepsy.qc.ca/-/psychologie-et-milieu-de-l-%C3%A9ducation-le-poids-des-dilemmes-%C3%A9thiques/1.3

Découvrez le dossier complet Et nous? La détresse professionnelle: pour aider sans s’enliser parut dans la revue Psychologie Québec du mois de juin en cliquant sur le lien externe suivant (site de l’Ordre des Psychologues du Québec):

https://www.ordrepsy.qc.ca/psychologie-quebec

Avis légaux

LA DOUANCE : PLUS FRÉQUENTE QU’AUPARAVANT?

Auteurs: Julie Duval et Marie-Josée Caron, neuropsychologues

Article frais paru sur le site de l’AQNP.

Les auteurs mentionnent:

« La douance ne se décèle pas dans des traits de caractère ou de personnalité, même avec un bon bulletin scolaire. Tout comme elle est rarement la cause de problèmes comportementaux, psychoaffectifs ou sociaux, comme le sous-entendent les motifs de consultation que nous venons d’évoquer. »

https://aqnp.ca/blogue/douance-plus-frequente-quauparavant/?fbclid=IwAR0JNZ34dMLqOkk2H2MBDJfB4_132KQhaW2NrFHCVobrpPxPhEqru2JGSO4

1001 Neurones En Action

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