© Louise Rodrigue, psychologue/neuropsychologue scolaire
Plusieurs fausses croyances circulent actuellement sur la douance intellectuelle et ceci constitue un obstacle à la compréhension commune de ce concept et à la prise en compte des besoins spécifiques des élèves. La présente section en fait un bref survol.

Plusieurs mythes entourent le concept de douance. À un tel point que certains, en référence à l’appellation anglophone gifted, vont jusqu’à considérer la douance comme étant un cadeau empoisonné… alors que d’autres le voient comme un véritable don.

Les mythes s’alimentent de manière autonome dans la population, soutenue à l’occasion par les médias et les propos de certains professionnels. Certains vont même jusqu’à nier les explications données par les mesures psychométriques objectives ou les évaluations cliniques en pédopsychiatrie.

Un mythe perdure à l’effet que les élèves doués sur le plan intellectuel seraient déprimés, anxieux, hypersensibles et peu habiles sur le plan social. En fait, les récentes études tendent à démontrer que ces caractéristiques sont davantage présents chez les enfants tout venant ou chez les élèves ayant un trouble neurodéveloppemental.
Les recherches démontrent plutôt que ces élèves sont moins à risque de souffrir de troubles de santé mentale que leurs pairs. Ils ne sont donc pas plus susceptibles que les autres de présenter des troubles intériorisés, de souffrir d’isolement social et la majorité d’entre eux ont de très bonnes capacités d’adaptation.
De plus, certains avancent que la douance pourrait même constituer un facteur de protection… alors que d’autres affirment que l’intelligence n’est ni un facteur de protection ni un facteur de risque pour les difficultés.
La douance colore l’expression des difficultés pouvant être vécues par un individu. GRÉGOIRE ET AL. (2021)
La nuance s’impose encore une fois: s’il est vrai que la recherche ne démontre pas que la douance est davantage associée à la présence de troubles pédopsychiatriques que chez l’enfant tout-venant, ceci n’exclue d’aucune façon la possibilité qu’un élève doué intellectuellement puisse présenter une psychopathologie. La douance intellectuelle ne devrait donc théoriquement pas servir de prétexte à expliquer les principales difficultés de l’élève. La douance intellectuelle n’est pas une psychopathologie et elle ne peut pas être évoquée comme étant à l’origine des difficultés qui correspondent à un tel diagnostic. Toutefois, il est vrai que sa présence doit être considérée dans l’ensemble de l’analyse. Par exemple:
Le monde idéal
Thomas est un élève doué intellectuellement. Il évolue dans une famille qui le stimule et il fait partie d’un programme enrichi. Il ne présente pas de difficulté d’adaptation particulière.
Les besoins comblés
Quant à Léa, elle est une élève à très haut potentiel intellectuel (QI de 146) qui fréquente la 2e année du primaire dans une classe régulière. Il y a plusieurs élèves en difficulté d’apprentissage dans sa classe, ce qui fait en sorte que l’enseignant doit utiliser différentes stratégies d’enseignement, dont le modeling, la répétition, etc. Le rythme d’apprentissage n’est pas adapté pour Léa. Or, l’enseignante hésite à donner des exercices supplémentaires aux élèves qui sont davantage en avance sur la matière, car elle craint que ceci crée un décalage encore plus important avec les élèves en difficulté. Léa s’ennuie de plus en plus en classe. Elle manifeste des symptômes d’inattention et elle semble également se plaire à déranger les autres élèves. La psychologue de l’école propose donc différentes stratégies. Un saut de classe est finalement retenu. Les symptômes comportementaux et d’inattention se normalisent alors. La douance intellectuelle n’était pas à l’origine des difficultés: c’est l’environnement dans lequel elle évoluait qui n’était pas suffisamment stimulant pour son haut potentiel.
Le double « diagnostic »
Imaginons Noam, 10 ans. Noam démontre plusieurs symptômes d’inattention en classe, ce qui rend ses parents perplexes, car leur fils leur semble particulièrement brillant. À l’école, conformément au modèle RAI, différentes mesures universelles, de flexibilité et d’adaptation sont tentées pour être en mesure de mieux gérer l’inattention et une possible douance. En vain. Une évaluation approfondie est alors effectuée par un psychologue. À l’échelle intellectuelle, il constate que Noam obtient des résultats plus faibles aux échelles de mémoire de travail et de vitesse de traitement de l’information. Par ailleurs, il obtient des résultats qui le situent dans la douance aux échelles verbales, de raisonnement fluide et d’habiletés visuospatiales. Le psychologue retient la présence d’une douance intellectuelle combinée à un TDAH. Il considère que la douance intellectuelle n’est pas la cause de ses difficultés (bien que ceci donne une couleur spécifique au portrait global). L’origine des difficultés est, selon sa lecture de la situation, plutôt causée par la présence d’une psychopathologie, soit le TDAH.
💡Petit mot sur le double diagnostic
Nous entendrons parfois parler de double diagnostic, mais…

Bien que couramment utilisée, l’expression double « diagnostic » porte à confusion, car la douance intellectuelle n’est pas un diagnostic en soi.
Grégoire et al. (2021) suggèrent plutôt de parler de spécificateur. Ainsi, au même titre que l’âge ou le sexe, le niveau intellectuel est une dimension de la personne qui colore de manière particulière son tableau clinique.
Encore plus souvent, ce sera les termes doublement exceptionnels (twice exceptional) qui seront utilisés lorsque l’élève présente deux conditions concomitantes (par exemple à la fois une douance intellectuelle et un TDAH).
Évidemment, en raison du trouble concomitant, il y a généralement davantage de difficultés d’adaptation chez les élèves doublement exceptionnels et ces élèves sont plus à risque de présenter des difficultés sur le plan scolaire et comportemental.

À moins qu’il n’y ait un trouble concomitant en lien, ce mythe n’a pas lieu d’être. Au contraire, les études démontrent que peu d’élèves présentant une douance intellectuelle ont des comportements perturbateurs en classe.
Il est souvent moins confrontant pour un parent d’envisager les difficultés comportementales de leurs enfants sous l’angle de la douance. De plus, dans le but de mobiliser les parents vers une recherche de services, certains intervenants, voulant bien faire, abordent les difficultés de l’élève auprès des parents en évoquant cette possibilité. Or, concrètement, les milieux cliniques constatent une augmentation des consultations pour une évaluation de la douance, en raison de problèmes de comportements en classe. Plusieurs psychologues et neuropsychologues trouvent cette situation préoccupante, car ceci retarde ou empêche même parfois, la mise en place de services appropriés à la condition de l’élève.


Un autre mythe fréquemment véhiculé est que les élèves doués intellectuellement s’ennuient en classe. En réalité, selon les études, la majorité de ces jeunes démontre un niveau de fonctionnement en classe qui est tout à fait adéquat. Seule une minorité éprouve ce problème d’ennui, souvent les élèves qui possèdent un très haut potentiel intellectuel (QI au-dessus de 145).

Selon certains, les élèves doués sur le plan intellectuel seraient fortement à risque de troubles des apprentissages. Toutefois, il n’y aurait actuellement aucune étude solide permettant de conclure que les élèves doués intellectuellement sont davantage à risque d’échec scolaire. Les études qui ont été réalisées jusqu’à maintenant ont été faites à partir d’échantillons d’élèves recevants déjà des services: ces échantillons ne représentent donc pas la population générale des élèves doués et ne permettent pas de conclurent en de telles affirmations. Attention toutefois de ne pas conclure erronément que la douance intellectuelle amène systématiquement la réussite sur le plan académique, cette dernière n’étant pas exclusivement tributaire des capacités intellectuelles des individus!

Selon certains, les élèves doués intellectuellement auraient un cerveau différent et conséquemment, un mode de pensée qui se développerait différemment. Leurs cerveaux auraient une telle unicité que ceci causerait des difficultés sur le plan adaptatif. La personne serait constamment en train de générer des idées, des hypothèses, des solutions, de réfléchir, d’analyser… ce qui constituerait une pensée dite en arborescence.
Dre Marie-Claude Guay (2021) est formelle à ce sujet: un mode de pensée en arborescence n’existe pas. Aucun modèle théorique en psychologie cognitive, ni aucune étude en neurosciences n’en fait mention ni ne le confirme.
Les études d’imagerie cérébrale n’indiquent pas que les enfants à HPI développent différemment leurs circuits neuronaux ou qu’ils ont des cerveaux différents des autres.
GUAY, M-C. (2021)
Références sur la section portant sur la douance intellectuelle
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Dernière mise à jour: 7 avril 2023