L’apprentissage de l’écriture

© Louise Rodrigue, psychologue/neuropsychologue scolaire

Loin d’être un banal mouvement, le geste d’écrire rempli une fonction adaptative importante dans nos sociétés: il constitue une forme de communication, permet d’évaluer les connaissances et sert de support à la mémorisation.

Le geste d’écrire est moins simple qu’il n’y paraît. En effet, afin de contrôler la tenue et le déplacement du crayon, de nombreux muscles fins du bras et de l’avant-bras doivent être impliqués. De plus, l’écriture sollicite plusieurs fonctions cognitives, telles que les fonctions exécutives et mnésiques. L’action d’écrire nécessite de planifier le geste requis afin d’être en mesure de parvenir à la production voulue. Le scripteur devra également s’activer à la tâche. L’activation sera aussi requise afin de se rappeler des informations contenues au niveau des réseaux sémantiques (maniement de concepts), syntaxiques (construction des phrases) et orthographiques (construction de mots). L’enchaînement des lettres se fera de manière séquentielle. Ceci dit, on comprendra aisément l’importance de bien encoder à la base les séquences motrices nécessaires à la production des lettres.

Au niveau cérébral, les zones impliquées dans le contrôle de l’écriture manuscrite comprendraient principalement l’aire d’Exner, ainsi que certaines régions situées au niveau du cortex pariétal supérieur gauche et du cervelet droit.

Les étapes d’apprentissage de l’écriture

Vers 2-3 ans

Il s’agit du stade des premiers gribouillis.

Vers 3-4 ans

L’enfant débute le dessin. Sa latéralité n’est pas encore stabilisée: il peut changer fréquemment de main.

Vers 4-5 ans

Il écrit ses premières lettres, d’abord en MAJUSCULES. Il s’agira souvent de son prénom… car il s’agit généralement de ce que l’adulte lui enseigne en premier! Évidemment, il ne le fera pas à partir de la traditionnelle correspondance graphèmes-phonèmes: il ne recopie que le modèle qui lui est proposé. Au départ, la lettre n’est qu’un petit symbole ayant peu de signification, si ce n’est qu’une combinaison de petits traits droits ou courbés, positionnés tant à l’horizontal qu’à la vertical ou contenant même des obliques. Il revérifie donc ses productions en se basant sur ces tracés. Pour cette raison, il est fréquent et tout à fait normal d’observer chez notre jeune scripteur une certaine lenteur d’exécution du geste, entrecoupée par de nombreux arrêts. Ceci lui permet de vérifier visuellement la conformité de sa production en regard de son modèle.

Puis, progressivement…

… l’élève contrôlera de mieux en mieux ses mouvements. D’un mouvement effectué initialement en sollicitant le bras et I’avant-bras, l’élève intègrera par la suite davantage les mouvements des poignets et des doigts: il intègre un modèle interne des patterns d’écriture.

Pour avoir un pattern d’écriture lisible, il doit avoir réussi à intégrer les informations sensorimotrices relatives à la manière de former adéquatement ces dites lettres. Plus simplement, l’enfant apprend qu’en se positionnant d’une certaine façon et en exécutant tel geste, il obtiendra une production de lettre adéquate. D’ailleurs, tranquillement, la prise en compte des informations visuelles de sa trace écrite deviendra secondaire et ce, au profit des informations sensorimotrices. Il contrôlera de mieux en mieux son mouvement, celui-ci devenant plus fluides et plus rapides.

Une écriture fonctionnelle sera à la fois une écriture lisible et rapide. Ainsi, l’écriture peut-être lisible, mais peu fonctionnelle si elle s’effectue au détriment d’un geste lent et difficile pour l’élève.

Ainsi, pour être en mesure de remplir un de ses rôles qui est celui de communiquer avec autrui, il est justement nécessaire qu’autrui soi en mesure de déchiffrer la trace écrite. Toutefois, si le fait d’écrire de façon suffisamment précise demande un temps et une énergie indûment élevée, ce moyen de communication ne constitue plus une stratégie d’adaptation aussi efficace que pour la plupart des jeunes, car elle empiète sur d’autres sphères (par exemple, un élève qui peine à terminer ses travaux). Évidemment, il sera également nécessaire d’aborder le tout dans son contexte: rédiger une note personnelle sur un post-it ne nécessitera pas la même qualité d’écriture que la rédaction de texte pour un examen de fin d’année du ministère de l’éducation!

Le produit versus le processus

L’évaluation de l’écriture repose à la fois sur l’analyse du produit et du processus d’écriture.

Il ne s’agit donc pas seulement de bien écrire – jugement qui relève d’ailleurs de l’appréciation subjective de l’observateur. Bien qu’il soit indéniable que la qualité du produit fini est importante (suis-je capable de lire ce que l’élève a écrit?), plusieurs autres critères doivent être pris en considération dans l’évaluation.

Par exemple:

  • La bonne forme des lettres afin d’être en mesure de bien les identifier et de ne pas les confondre avec d’autres lettres visuellement proches;
  • L’espacement entre les lettres;
  • L’espacement entre les mots;
  • Le respect des marges;
  • Le respect des lignes et de l’espace entre les lignes;
  • La taille globale de l’écriture;
  • Le rapport de taille entre les lettres troncs (les lettres qui tiennent à l’intérieur d’un interligne telles que a, c, e, i, m, n, o, r, s, u, v, w, x) et les lettres contenant des hampes (b, d, h, f, l, etc.) et/ou les lettres contenants des jambages (g, j, p, q, etc.);

Jambage, nm (axe vertical d’une lettre)

Les lettres p, q et g ont un jambage ; h, l et f une hampe.

https://www.wordreference.com/fren/jambage
  • La posture de l’élève lorsqu’il écrit;
  • La tenue du crayon;
  • La pression exercée par les doigts sur le crayon;
  • L’inclinaison du crayon;
  • La pression exercée sur la feuille;
  • La vitesse d’exécution (trop lente? trop rapide? accélérations/décélérations? nombre de levée de crayon inutile?);
  • L’amplitude des mouvements.

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Références

Biotteau, M., Danna, J., Albaret, J-M. et Chaix, Y. (2020). Trouble développemental de la coordination et dysgraphie. Dans Majerus, S., Poncelet, M., Van der Linden, M., Jambaqué, I. et Mottron, L. Traité de neuropsychologie de l’enfant (p. 108-123). De Boeck Supérieur.

Danna, J., Velay, J. L. et Albaret, J. M. (2016). Dysgraphie. Dans Pinto, S. et Sato, M. Traité de Neurolinguistique (p. 337-346). Bruxelles: De Boeck.

Palmis, S., Danna, J., Velay, J. L. Et Longcamp, M. (2017). Motor control of handwriting in the developing brain: A review. Cognitive Neuropsychology, 34, 187-204.

Dernière mise à jour: 2 septembre 2021

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