Le trouble du spectre de l’autisme (TSA)

© Louise Rodrigue, psychologue/neuropsychologue scolaire

Autisme et école: saviez-vous que…

Entre 2001 et 2016, la clientèle globale des commissions scolaires du Québec a subi une baisse de 9%. Pour la même période, la clientèle HDAA a augmenté de 71,8% et c’est le trouble du spectre de l’autisme qui a connu la hausse la plus importante : 628,4 %.

Pourquoi ces changements dramatiques concernant l’autisme ?

Outre le fait que les critères diagnostiques se sont passablement modifiés au fil des ans, certains spécialistes avancent qu’une des raisons probables est le fait que ce diagnostic permet entre autres d’accéder à des services spécialisés dans les écoles, comme des classes à effectifs réduits où il y a beaucoup moins d’élèves. Les critères actuellement utilisés pour identifier l’autisme, lorsqu’ils sont appliqués trop mécaniquement peuvent également induire en erreur et s’expliquer par d’autres troubles ou facteurs. Pour certains, tel que le Dr Laurent Mottron, psychiatre réputé dans le domaine, il faudrait peut-être revenir à une conception plus étroite de l’autisme.

Qu’est-ce que le trouble du spectre de l’autisme (TSA) selon le DSM-5?

Il importe tout d’abord de savoir qu’à ce jour, nous ne possédons pas de définition objectivement vérifiable de l’autisme: aucun biomarqueur, ni aucun test biologique, ne permet d’attester de sa présence hors de tout doute.

Par ailleurs, malgré l’absence de cette connaissance absolue, le TSA est opérationnalisé via une catégorie diagnostique du DSM-5, un outil utilisé par les professionnelles, notamment dans le but d’utiliser un langage commun. Les critères diagnostiques font donc office de définition. 

De façon très succincte, le TSA est un trouble neurodéveloppemental qui se caractérise par :

  • un déficit cliniquement significatif et persistant de la communication et des interactions sociales (déficit de la communication verbale et non verbale utilisée dans les interactions sociales, manque de réciprocité sociale et difficultés à développer et maintenir une relation appropriée avec les pairs pour son niveau de développement);

  • un mode de comportement, d’activités et d’intérêts restreints, stéréotypés et répétitifs. Note : La personne doit manifester au moins deux des énoncés suivants : comportements moteurs ou verbaux stéréotypés ou comportements sensoriels inhabituels; adhérence excessive à des routines et à des patrons de comportements ritualisés; intérêts fixes et restreints.

  • les symptômes doivent être présents tôt dans l’enfance. Toutefois, si la demande sociale n’excède pas les capacités limitées de la personne, les symptômes peuvent se manifester plus tardivement.

Cf. : DSM-5 pour la définition détaillée

Une évaluation bien mené devrait nécessaire comprendre une évaluation du niveau d’intelligence, de langage et s’être attardé aux possibles comorbidités médicales, psychiatriques et/ou neurogénétiques. Ceci est  important, car ces éléments auront une influence sur la présentation clinique du trouble et sur l’évolution attendue. En milieu scolaire, ceci permettra de mettre en place des interventions adaptées et d’ajuster les attentes en fonction des capacités du jeune.

Enfin, le niveau de sévérité sera évalué en fonction du niveau de support requis.

Notons par ailleurs que la CIM-11, soit la Classification statistique internationale des maladies et des problèmes de santé connexes, 11e version, davantage utilisé dans les pays européens, conçoit l’autisme d’une manière différente. Des sous-groupes y sont définis selon les combinaisons possibles d’atteinte du langage et des capacités intellectuelles. Une catégorie est également réservée pour les situations dites frontières.

Quelles sont les causes?

En fait, la réponse à cette question n’est pas encore bien établie. Pour le moment, l’hypothèse qui semble être la plus plausible pour les chercheurs est celle de l’origine génétique: un héritage multifactoriel touchant diverses facettes de la génétique, où des influences biologiques et des facteurs environnementaux influenceraient le tout.

L’autisme résulterait d’une organisation différente au niveau cérébral, ce qui aurait un impact sur le fonctionnement cognitif. D’ailleurs, au niveau cérébral, les études en neuroimagerie par résonance magnétique (IRM) tendent à démontrer les particularités suivantes:

  • Des anomalies dans la région de Broca et la région de Wernicke (qui sont associées aux difficultés langagières);
  • Des anomalies dans les régions fronto- temporales et le noyau amygdalien (qui seraient liées à des anomalies du traitement socio-émotionnel);
  • Des particularités au niveau du système frontostriatal – le cortex orbitofrontal et le noyau caudé (qui pourraient être à l’origine des comportements répétitifs et stéréotypés). 

Le niveau de fonctionnement

Le niveau de fonctionnement des élèves TSA est très variable. Les acteurs qui gravitent dans le monde scolaire peuvent aisément le constater; certains élèves nécessitent une aide si soutenue qu’ils doivent être intégrés en classe à effectif réduit, voire même dans une école régionale. D’autres réussissent à cheminer en classe régulière et nécessitent très peu de soutien.

Les particularités sur le plan langagier

Les particularités langagières sont généralement les premiers symptômes qui amènent les parents à consulter: l’enfant semble présenter un retard langagier ou perdre des acquis sur ce plan. C’est pour cette raison que les parents ne consultent que rarement avant l’âge de deux ans. La trajectoire du développement langagier est tout de même assez hétérogène. Certains enfants n’éprouveront pas de difficulté sur ce plan, d’autres expérimenteront un retard alors que certains demeureront non verbaux.

Notons aussi que la régression du langage n’est généralement pas typique de d’autres troubles: elle oriente souvent vers un diagnostic de TSA franc.

⚠️ Attention de ne pas céder au mythe que cette régression indique un pronostic défavorable du développement langagier. En fait, la recherche tend actuellement à démontrer que, bien que l’enfant expérimentera effectivement un retard sur le plan langagier (parfois le double de temps nécessaire entre la première phrase et l’atteinte d’un niveau de langage fluide et flexible), ceci n’affecte pas la probabilité qu’il atteigne un langage fluide avant l’âge de 18 ans.

Autre particularité: la compréhension du langage figuré

La compréhension du langage non littéral pose souvent problème, notamment lorsqu’il est requis de déduire à partir du contexte ce qu’une personne peut bien vouloir dire par sa demande indirecte, de comprendre l’ironie ou encore les expressions sur lesquelles il ne doit pas s’appuyer directement sur les mots pour en déduire le sens.

Le portrait très hétérogène des élèves TSA

Chaque élève TSA est différent!

Pour la cause, nous le répétons : chaque élève TSA est différent.

Nos élèves TSA forment un groupe hétérogène… souvent TRÈS hétérogène. Les forces et défis sont variés. Chez certains, l’autorégulation émotionnelle et les différentes fonctions exécutives poseront un défi, d’autres présenteront certaines difficultés sur le plan de l’alimentation ou du sommeil. Au quotidien, les interventions à prodiguer pour favoriser les apprentissages diffèrent également d’un élève à l’autre: les pictogrammes peuvent par exemple très bien fonctionner avec l’un, mais ne pas fonctionner du tout avec l’autre.

La manifestation des symptômes et le niveau de fonctionnement sont variables d’un élève à l’autre. Les élèves TSA présentent fréquemment des conditions médicales, psychologiques ou psychiatriques associées. Par exemple:

  • les troubles anxieux;
  • le trouble du déficit de l’attention avec ou sans hyperactivité;
  • les troubles de l’humeur;
  • les troubles du sommeil;
  • la déficience intellectuelle;
  • les troubles du comportement;
  • les troubles de langage;
  • la dyspraxie;
  • le syndrome de Gilles de la Tourette;
  • l’épilepsie;
  • Etc.

Certaines problématiques peuvent également être rencontrées et méritent une attention particulière, allant de la faible estime de soi aux  problématiques  suicidaire. Adolescents, ces jeunes peuvent aussi parfois avoir besoin d’être outillés davantage, car ils peuvent présenter certaines vulnérabilités qui font en sorte qu’ils peuvent devenir une cible de choix à certains phénomènes de société (par exemple, la radicalisationla toxicomanie). Des défis d’éducation se présentent aussi parfois durant cette période de découverte et d’exploration de la vie amoureuse et sexuelle.

Enfin, face à une symptomatologie s’apparentant à un trouble du spectre de l’autisme, rappelons que le milieu scolaire sollicitera très souvent l’aide des partenaires externes, notamment les services de pédopsychiatrie. Les attentes du milieu ne correspondent pas toujours à l’offre de services qui s’en suit, ce qui amène quelquefois des déceptions et des incompréhensions de part et d’autre. Il importe donc d’emblée de bien comprendre les services offerts afin d’ajuster les attentes en conséquence. Il faut aussi savoir qu’aucun médicament ne traite spécifiquement le TSA. Par contre, les médecins proposent parfois une médication pour réduire un ou des symptômes associés tels l’agressivité, l’anxiété ou encore l’inattention.

Le profil cognitif 

Le profil cognitif n’est pas homogène chez les personnes TSA: il est possible d’observer de grands écarts entre les sous-tests d’un même test d’intelligence et des écarts entre les différentes épreuves psychométriques également. Ces écarts ne sont pas le fruit du hasard: ce sont des écarts qui sont observés chez plusieurs personnes. Ils reviennent même suffisamment pour que l’on puisse établir différents profils qui partagent des caractéristiques communes. De plus, certains profils semblent correspondre davantage à certaines trajectoires développementales. Par exemple, un sous-groupe semble être davantage lié à ceux qui présentent des forces au niveau de la manipulation de matériel verbal alors qu’un autre sous-groupe semblent plus habiles dans la manipulation de matériel perceptif.

Et les autistes à haut potentiel intellectuel?

La douance intellectuelle combiné à un trouble du spectre de l’autisme représenterait environ 3% de la population TSA, il s’agit donc d’une condition extrêmement rare qui est parfois complexe à identifier et qui nécessite une évaluation complète du fonctionnement cognitif par un professionnel formé à cet effet (au Québec: psychologues, neuropsychologues et médecins spécialisés dans le domaine).
 
Bien qu’ils obtiennent généralement de meilleurs résultats scolaires que les autres enfants TSA, cette double exeptionnalité amène aussi son lot de défis. Certaines faiblesses sur le plan adaptatif sont remarquées, particulièrement à l’adolescence. Il semble tout de même pertinent de leur offrir un accompagnement adéquat et adapté à leur profil particulier. Toutefois, notamment en raison de la rareté de cette condition, peu de recherches font état des  interventions jugées efficaces pour les élèves porteurs de cette double exceptionnalité.
 

Parlons médication un moment…

Sachez qu’aucun médicament ne traite spécifiquement le TSA. Par contre, les médecins proposent parfois une médication pour réduire un ou des symptômes associés tels l’agressivité, l’anxiété ou encore l’inattention (cf. Trouble du spectre de l’autisme (TSA) et médication). 

Quelques livres à découvrir…

Par ici

Quelques sites à découvrir…

Quelques liens d’intérêt pour les cliniciens…

Les cliniciens qui œuvrent dans le domaine et qui sont amenés à poser ou à contribuer au diagnostic différentiel apprécieront fort probablement les découvertes suivantes (liens externes*) traitant du TSA versus:

– le trouble du développement intellectuel ;

– la schizophrénie;

– l’aspect langagier.

Quelques références

Cimon-Paquet, C. et Soulières, I. (2021). La double exceptionnalité: haut potentiel intellectuel et autisme. Sur le Spectre, numéro 12, 12-14.

Chiodo, L. (2021). Intérêts spécifiques, perception auditivo-verbale et perception visuelle dans l’autisme avec et sans retard de langage  [thèse de doctorat, Université de Liège].

Courchesne, V., Nader, A-M. et Mottron, L. (2020). Chapitre 14 L’autisme. Dans S. Majerus, I. Jambaqué, L. Mottron, Van Der Linden, M. et M. Poncelet (dir.), Traité de neuropsychologie de l’enfant (2e éd.). DeBoeck.

Gagnon, D. (2021). Autisme et langage : retard, régression, rattrapage, qu’en est-il? Sur le Spectre, numéro 12, 3-4.

Girard, P., Le Maner-Idrissi, G., Dardier, V., Seveno, T., Levenez, C. et Le Sourn-Bissaoui, S. (2022). Compréhension du langage figuré par les enfants et adolescents avec un trouble du spectre de l’autisme : étude longitudinale des processus inférentiels. Annales Médico-Psychologiques. https://doi.org/10.1016/j.amp.2021.12.019

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Dernière mise à jour: 14 février 2022 

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